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Aujourd'hui, le soleil étant encore radieux je décide d'aller me promener au cimetière du Père Lachaise.
Histoire :
Le Père-Lachaise est situé sur l'une des sept collines de Paris, celle de Champ-l'Evêque. Cette dernière, qui couvrait au Moyen-Age l'essentiel de la commune de Charonne, appartenait à l'évêque de Paris. On y cultivait des légumes, des céréales et du raisin vendus sur les marchés de Paris.
Champ-l'Evêque, devenu le "Mont-aux-Vignes", sera racheté par Régnault de Wandonne vers 1430. Ce riche commerçant en épices y construira une luxueuse maison de campagne. Le domaine prendra alors le nom de "Folie-Régnault". Il sera acquis par Marie L'Huillier le 11 août 1626, pour le compte des Jésuites de la maison professe de Saint-Louis de la rue Saint-Antoine qui y construiront une maison de repos et de convalescence. Louis XIV âgé de 14 ans, accompagné du cardinal de Mazarin, assistera le 2 juillet 1652 aux combats entre les troupes royales de Condé et les frondeurs commandés par Turenne dans le faubourg Saint-Antoine, du sommet de la colline des Jésuites. Le domaine portera alors le nom de "Mont-Louis".
La maison de Régnault, reconstruite et surélevée de deux étages, accueillera le Père de La Chaise, confesseur du roi de 1675 jusqu'à sa mort en 1709. La compagnie de Jésus sera expulsée du domaine en 1762, lors de sa mise en vente pour solder une dette du Père de Jacy. La propriété, acquise par un peintre nommé Jean-Baptiste Gratin, sera revendue à la famille Baron en décembre 1771. Jacques Baron, ruiné, cédera les 17 hectares de Mont-Louis au préfet Nicolas Frochot le 9 ventôse an XII - pour la somme de 180 000 francs.
Celui-ci décidera d'y créer le troisième cimetière extra-muros de Paris, dit cimetière de l'Est, après le cimetière du Nord (l'actuel cimetière Montmartre) et le cimetière du Sud (le cimetière du Montparnasse). A cette date, les cimetières intra-muros parisiens étaient saturés, la ville ne savait plus quoi faire de ses morts et le risque d'épidémie était permanent. Le 21 mai 1765, déjà, une ordonnance du Parlement de Paris avait statué : "le sol ne pouvant plus consommer de cadavres, les cimetières en ville doivent être supprimés". Au moment où Frochot lance son projet, les Parisiens gardent encore le souvenir des deux millions de squelettes transférés de nuit, quarante ans auparavant, à la lumière des flambeaux, du charnier des innocents, le principal cimetière de la capitale depuis le moyen âge, jusque dans les catacombes de la Porte d'Enfer. Autant que possible donc, il faut faire sortir les morts de la capitale.
Napoléon instituera les fondements des droits et devoirs de la Nation envers ses morts. Réglant le cas des mécréants, athées, suicidés et autres comédiens, trop souvent encore exclus de l'Eglise, il ordonne que "chaque citoyen a le droit d'être enterré quelle que soit sa race ou sa religion". Les sépultures des protestants, juifs, musulmans et orthodoxes côtoieront celle des catholiques. Le cimetière Père-Lachaise ira plus loin dans la tolérance. Outre les tombes faisant allégeance à l'une des religions monothéistes, on remarquera bientôt l'apparition de tombes liées à des sectes ésotériques, à des cultes antiques grecs et égyptiens : ce sont les tombes pyramidales ou en forme d'obélisque, marquées par les emblèmes d'Horus ou d'Osiris, dieux de la mort et de la résurrection. Les tombes des francs-maçons seront bien sûr aussi présentes, avec leur double équerre.
Napoléon imposera des normes de police et d'hygiène renforcées. Son code des communes, qui remet aux municipalités la direction des cimetières, fixera les règles de l'inhumation : suaire, cercueil, pose des corps côte à côte et non l'un sur l'autre, dimensions minimales des cimetières, ventilation, ensoleillement et distance par rapport à l'agglomération urbaine. Le Père-Lachaise sera ainsi le premier cimetière français véritablement laïc et moderne.
Alexandre-Théodore Brongniart se verra confié l'aménagement des lieux en cimetière. Devenu célèbre avant la Révolution pour quelques beaux hôtels particuliers construits dans les quartiers des Invalides et de la Chaussée d'Antin, Brongniart avait aménagé en 1870 - à la demande du marquis de Montesquiou, franc-maçon comme lui - un parc à Maupertuis, près de Coulommiers. Il deviendra l'architecte du palais de la Bourse en 1808.
Le Cimetière de l'Est, d'une superficie de 17 hectares à l'origine, était destiné aux sépultures des Parisiens décédés dans l'un des quatre arrondissements de la rive droite, soit en fosse commune, soit en concession perpétuelle. Brongniart concevra un lieu inédit en France, une sorte d'immense jardin dont les arbres majestueux, d'essences variées, côtoieraient les sépultures sculptées, et dans lequel on pourrait se promener agréablement, le long des allées accidentées, sans être angoissé par la présence de la mort. La mort serait "apprivoisée" dans ce parc où règnent avant tout le charme et la poésie. Les héros stendhaliens Octave et Armance viendront errer dans ce que Stendhal considère à juste titre comme un "jardin anglais, le seul vraiment beau dans sa position qui existe à Paris". L'irrégularité du parc choquera les architectes français du XIXème siècle, fascinés par l'ordre et la symétrie. L'architecte Léonce Reynaud s'offusquera ainsi en 1870 : "Que trouve-t-on au Père-Lachaise ? Une absence complète d'ordre, de caractère, de dignité..."
Les bourgeois refuseront de se faire enterrer dans le cimetière, inauguré le premier prairial de l'an XII (21 mai 1804), situé dans un quartier pauvre et populaire. Le Père-Lachaise ne comptera que 13 tombes en 1804, 44 en 1805, 49 en 1806, 62 en 1807, et 833 en 1812.
Le transfert des cendres d'Héloïse et Abélard, de Molière et de La Fontaine, en 1817, balaiera la mauvaise image du cimetière. Ce dernier comptera 33 000 tombes en 1830. Il sera agrandi à cinq reprises entre 1824 et 1850 et loti en 97 divisions délimitées par les allées de l'ancien parc. Il couvre aujourd'hui une superficie de 44 hectares.
Le Père-Lachaise sera le théâtre de violents affrontements entre le 21 et le 28 mai 1871, lors de la Commune. Les Fédérés, ayant installés leur artillerie en plein cimetière afin de repousser les assauts des Versaillais, seront encerclés le 27 mai par les troupes de Thiers, d'un coté, et les Allemands, de l'autre. Les 147 survivants seront fusillés devant le "Mur des Fédérés". On estime à 35000 le nombre de Fédérés enterrés ici.
Description :
Les plus illustres sculpteurs et architectes du XIXème siècle contribueront à faire de ce cimetière un lieu unique en son genre : Chapu, David d'Angers, Barrias, Garnier, Guimard, Visconti y ont réalisé quelques-uns uns de leurs chefs d'oeuvres.
La bourgeoisie parisienne prendra possession du Père-Lachaise dès les années 1820-1830. Sa volonté de paraître et d'affirmer sa puissance se manifestera sur ses tombes. Ayant recours au vocabulaire et à l'esthétique de l'Antiquité, elle commandera des sépultures en forme de stèles, sarcophages, colonnes, urnes, amphores, sabliers, flambeaux, le tout décoré de lauriers et d'oliviers. A l'image de la sensibilité romantique de l'époque, l'art funéraire sera surtout éclectique, mêlant le gothique au roman, le renaissance au classique.
Le XIXème siècle éprouvera le besoin de rendre hommage à tous ceux qui ont marqué leur époque. La plupart des monuments sont alors financés par une souscription publique. Certains défunts seront inhumés au Père-Lachaise longtemps après leur mort. Théodore Géricault (1791-1824), enterré misérablement, sera ainsi transféré que vingt ans après son décès, grâce à une souscription lancée par Delacroix : "Souscripteurs de toutes couleurs, gens qui encouragez les arts, faites un tombeau à Géricault !".
Le mausolée d'Héloïse (morte en 1164) et Abélard (mort en 1142), figures légendaires du Moyen-Age, sera édifié aux frais de l'Etat. C'est pour obtenir la faveur du public chrétien, hostile tout d'abord à l'idée de ne pas être enterré en terre bénie par l'Eglise, que la Mairie de Paris décida de transférer leurs ossements au Père-Lachaise en 1817, avec ceux des révérends pères jésuites, de Molière et de La Fontaine.
Les maréchaux de l'Empire reposent également en ce lieu où Napoléon, de Sainte Hélène, avait souhaité être inhumé. Leurs sépultures, groupées dans « le quartier des maréchaux », sont pour la plupart l'oeuvre de David D'Angers (1788-1856), Prix de Rome en 1811, l'un des artistes les mieux représentés.
Le Père-Lachaise est esthétiquement un cimetière du XXème siècle. Il renferme quelques superbes spécimens de vitraux créés en 1900, dans le style Art Nouveau, fait rarissime car l'art funéraire a toujours jugé ce style trop léger. On admirera ainsi les deux verrières latérales de la famille Schrod.
Le cimetière compte de nombreuses tombes de célébrités, parmi lesquelles Gérard de Nerval, Chopin (dont le coeur est à Varsovie) Pierre Desproges, Balzac, Alfred de Musset, Sarah Bernhardt, Pissarro, Proust, Apollinaire, Colette, Simone Signoret...
Détail amusant : le président Félix Faure, mort dans les bras de sa maîtresse (façon de parler...) est représenté sur son tombeau, enveloppé dans le drapeau de l'alliance franco-russe : on a l'impression qu'il s'agit des draps de son lit.
La tombe d'Oscar Wilde mérite le détour, avec son ange-démon volant sculpté dans un bloc de vingt tonnes, Les testicules du monstre, brisées par deux visiteuses outrées, serviront longtemps de presse-papiers au directeur du cimetière.
On remarquera aussi la tombe de Jim Morrison, chanteur des Doors mort à Paris dans une chambre d'hôtel. Ses fans ont fléché l'itinéraire.
Victor Noir, journaliste du siècle dernier tué à 22 ans par le Prince Pierre Bonaparte, est représenté en gisant au moment de sa mort. Le sculpteur a pris soin de suggérer une virilité post mortem impressionnante. Cette partie du corps est lustrée par les milliers de mains et de fesses féminines venues quérir une stimulation érotique, la nuit ...
Commentaires
hello, j'avais fait aussi un article sur ce cimetiere..reviens avec plein de photos..bisous.. bon WE